Câline était une jeune lapine vivant avec ses parents, ses frères et ses sœurs dans le terrier familial. Elle aimait trottiner avec insouciance dans la campagne mais les grands de son entourage cherchaient systématiquement à l’en dissuader. Ils lui dépeignaient pour cela les environs comme de véritables coupe-gorge.
- C’est dangereux, ne traîne pas toute seule comme cela.
- Oui, tu pourrais tomber sur un renard qui te croquerait.
- Ou sur un chasseur qui te tuerait d’un coup de fusil.
Avec sa belle nonchalance enfantine, Câline ignorait tous leurs conseils ennuyeux. Elle préférait s’amuser, certaine que rien de fâcheux ne lui arriverait. Dès qu’elle le put, elle échappa à la vigilance des adultes. En quelques bonds, elle était déjà loin.
- Comme ces fleurs rouges sont jolies !
Elle s’en approcha pour mieux les admirer. C’est alors qu’un papillon se posa sur l’une d’elles. Il butina un peu puis reprit son envol. Intriguée, Câline poursuivit sa trajectoire saccadée jusqu’à l’orée de la forêt.
- Coucou ! Coucou !
Câline se souvint d’un oiseau dont son grand frère lui avait parlé.
- C’est sûrement un coucou !
La petite curieuse s’enfonça joyeusement dans les bois en direction du drôle de chant d’oiseau. Elle gambada un bon moment ainsi, jusqu’à ce que le volatile se taise. Elle attendit, tendit ses longues oreilles, mais n’entendit rien de plus que le vent dans les feuillages. Sans qu’elle s’en aperçoive, le ciel avait revêtu sa robe du soir et inondait à présent tout d’une belle clarté orange.
- Il est tard, il faut que je rentre, je vais me faire disputer.
Craignant les réprimandes, Câline s’en retourna prestement d’où elle pensait venir. Après une longue course à travers broussailles et clairières, elle s’arrêta net afin de regarder longuement autour d’elle. Elle ne reconnut pas l’endroit.
- Je suis peut-être venue de là-bas…
Elle bifurqua ainsi plusieurs fois là où bon lui sembla, jusqu’à ce que le jour disparaisse totalement. Les sous-bois, la nuit, c’est moins amusant. Au milieu du sombre silence, il y plein de bruits partout, des formes inquiétantes. Sans savoir où aller, n’osant pas s’arrêter, Câline ne cessa plus de courir. Fatiguée, elle s’arrêta pour se recroqueviller dans un petit recoin, au pied d’un arbre. Elle souffla un peu, commença à s’assoupir, avant qu’un craquement, tout près d’elle, la fasse tressaillir. Elle s’enfuit et continua sa course jusqu’à ce que la fatigue la rattrape de nouveau. Parvenue à la limite de ses forces, elle se blottit sous un fourré et s’endormit.
Quelques heures plus tard, une lumière victorieuse la tira de son sommeil. C’était un joli matin, aussi frais qu’éblouissant, célébré par le concert des oiseaux. En clignant des yeux, elle contempla l’endroit.
- Mais… je reconnais…
Sans le savoir, elle avait fait un petit somme en bordure de la forêt, tout près de son terrier. Soulagée après tant de frayeurs, elle retrouva sa famille. Ses parents et ses amis étaient épuisés par une nuit d’inquiétude et de recherches dans la campagne. Désespérés, ils la croyaient perdue pour toujours. Leur bonheur fut tel en la voyant apparaître qu’ils ne pensèrent même pas à la gronder.
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